Coup de coeur đđ
Titre en Français : Le crépuscule de Shigezo
Titre original : ææăźäșș
KĆkotsu no hito
(Les années du crépuscule)
Auteur : Sawako ARIYOSHI
Traducteur : Jean-Christian BOUVIER
Parution originale : 1972
Parution française : 1986, puis 2018
Editeur : Stock, puis Mercure de France
Pages : 320
Présentation de l'éditeur :
Ătant donnĂ© son Ăąge et son Ă©tat mental, il
nâallait plus ĂȘtre possible de laisser Shigezo seul la nuit. Nobutoshi
et Akiko le regardaient avec inquiĂ©tude. Assis Ă cĂŽtĂ© dâeux, il semblait
ne rien entendre. Il Ă©tait tournĂ© vers le jardin, lâair hĂ©bĂ©tĂ©, les
yeux Ă©teints, comme perdu dans un rĂȘve lointain.
« Quâallons-nous faire ? demanda AkikoâŠ
â Câest la premiĂšre fois que je vois un ĂȘtre humain complĂštement gĂąteux! explosa Nobutoshi. Et il faut que ce soit mon pĂšre! Je ne peux pas le supporter!»
Devenu veuf, Shigezo est recueilli par son fils et sa belle-fille. Et câest sur celle-ci, Akiko, que va reposer cette lourde charge, avec les problĂšmes concrets que cela implique. Mais alors que le vieil homme glisse vers une seconde enfance, elle dĂ©couvrira quâil symbolise peut-ĂȘtre l'amour le plus authentique, le plus dĂ©sintĂ©ressĂ© quâelle ait jamais connu.
« Quâallons-nous faire ? demanda AkikoâŠ
â Câest la premiĂšre fois que je vois un ĂȘtre humain complĂštement gĂąteux! explosa Nobutoshi. Et il faut que ce soit mon pĂšre! Je ne peux pas le supporter!»
Devenu veuf, Shigezo est recueilli par son fils et sa belle-fille. Et câest sur celle-ci, Akiko, que va reposer cette lourde charge, avec les problĂšmes concrets que cela implique. Mais alors que le vieil homme glisse vers une seconde enfance, elle dĂ©couvrira quâil symbolise peut-ĂȘtre l'amour le plus authentique, le plus dĂ©sintĂ©ressĂ© quâelle ait jamais connu.
Avis :
Nous sommes dans les annĂ©es soixante-dix. Akiko vit avec son mari et son fils dans un petit pavillon dâun quartier populaire de Tokyo. Le dĂ©cĂšs subit de sa belle-mĂšre lui laisse soudain la charge de son beau-pĂšre, Shigezo, ĂągĂ© de quatre-vingt-quatre ans et montrant des signes inquiĂ©tants de sĂ©nilitĂ©. AprĂšs avoir cherchĂ© toutes les solutions, Akiko va devoir mettre son activitĂ© professionnelle entre parenthĂšses, accueillir Shigezo chez elle et le materner vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle va dĂ©couvrir tout le sordide de la maladie et du stade ultime de la vieillesse, mais aussi sâattacher de plus en plus au vieil homme quâelle accompagnera jusquâau bout avec tendresse et humanitĂ©.
Lâhistoire soulĂšve la question du vieillissement de la population japonaise. Les chiffres Ă©voquĂ©s par lâauteur sont trĂšs pessimistes. En rĂ©alitĂ©, aujourdâhui, presque 30 % des Japonais ont plus de 65 ans, ce qui en fait la population la plus ĂągĂ©e au monde. Comment gĂ©rer le douloureux problĂšme de la dĂ©pendance ? Dans les annĂ©es soixante-dix (et sans doute encore aujourd'hui ?), peu de solutions Ă©taient Ă la disposition des familles, les maisons de retraite Ă©tant rĂ©servĂ©es aux personnes en bonne santĂ© physique et mentale. Il Ă©tait donc encore trĂšs frĂ©quent de voir cohabiter les diffĂ©rentes gĂ©nĂ©rations, au dĂ©triment de lâactivitĂ© professionnelle de lâĂ©pouse, encore jugĂ©e trĂšs secondaire :
Ils ne voulaient pas reconnaĂźtre lâapport financier du travail dâune femme dans les revenus du mĂ©nage. Elles se faisaient plaisir en travaillant au-dehors et câĂ©tait eux qui supportaient avec patience et indulgence le laisser-aller du mĂ©nage.
Câest donc aussi la place de la femme dans la sociĂ©tĂ© japonaise qui est ici en jeu : le mari dâAkiko ne se sentira jamais concernĂ© par la prise en charge de son pĂšre et ne lĂšvera jamais le petit doigt pour aider son Ă©pouse dans ce quâil ne considĂšre que des tĂąches domestiques, mĂȘme lorsquâelle en perdra le sommeil et risquera de compromettre sa propre santĂ©.
Au global, Sawako Ariyoshi nous livre une rĂ©flexion sur la vie et la mort : les personnages du roman prennent soudain conscience de leur propre finitude. Ils dĂ©couvrent la peur de mal vieillir et de connaĂźtre une dĂ©chĂ©ance pire que la mort elle-mĂȘme :
- A l'Ă©poque fĂ©odale, les paysans Ă©taient maintenus dans un Ă©tat de subsistance minimale. C'est pareil avec la mĂ©decine d'aujourd'hui, elle empĂȘche les vieillards de mourir sans les faire vivre pour autant.
- Depuis trois ans il est alitĂ© avec une infirmiĂšre qui s'occupe de lui en permanence : il ne peut avaler que des aliments liquides. J'imagine que, malgrĂ© sa condition de bonze, il doit avoir quelque pĂ©chĂ© terrible Ă expier... Vous comprenez pourquoi je prĂ©fĂšre dire qu'il est Ă la retraite. Les gens qui meurent sont moins Ă plaindre que lui... C'est terrible Ă dire, mais quand on est rĂ©duit Ă cela, j'ai l'impression que la vie ne vaut plus la peine d'ĂȘtre vĂ©cue.
- Non, personne ne s'inquiĂšte pour moi. Vous savez, nous les vieux, on gĂȘne plus qu'autre chose : ils attendent tous que je meure. Moi non plus je ne demandais pas Ă vivre si longtemps mais, si je me suicide, on aura du mal Ă marier mes petits-enfants... Il faut nous entraider pour dĂ©ranger les jeunes le moins possible... Si l'on ne fait pas assez d'exercices, physiques et mentaux, le corps s'affaiblit et l'on devient vite sĂ©nile.
Nouveau coup de coeur pour la profondeur et lâĂ©lĂ©gance de lâĂ©criture de Sawako Ariyoshi. (5/5)
Le coin des curieux :
EspĂ©rance de vie Ă©levĂ©e, taux de natalitĂ© trĂšs bas, immigration trĂšs faible : le Japon connaĂźt un dĂ©clin dĂ©mographique depuis la fin des annĂ©es 2000. Certains projections statistiques voient la population japonaise tomber à ⊠zĂ©ro en lâan 3000. La premiĂšre consĂ©quence est lâaccĂ©lĂ©ration de son vieillissement : les plus de 65 ans reprĂ©sentent aujourdâhui 27 % des Japonais, ce devrait ĂȘtre 40 % en 2040.ProblĂšmes de dĂ©penses pour la SĂ©curitĂ© Sociale, de paiement des retraites, de prise en charge des personnes ĂągĂ©es : lâĂtat tente dâintervenir depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990, lançant plan aprĂšs plan. Peu dâeffet notable, si ce nâest un arrĂȘt de la baisse de la fĂ©conditĂ© (1,5 enfant par femme).
Jusquâau milieu des annĂ©es 1980, la politique sociale comptait sur la prise en charge des parents vieillissants par leurs enfants, trois gĂ©nĂ©rations vivant ainsi frĂ©quemment sous le mĂȘme toit. Aujourdâhui, il nâest plus pensable de demander Ă des enfants souvent uniques de gĂ©rer parents et grands-parents.
Vieillir au Japon est souvent devenu synonyme dâangoisse. Pour pallier Ă leur pauvretĂ© et Ă leur solitude, on voit de plus en plus de personnes ĂągĂ©es au Japon commettre des larcins pour se faire arrĂȘter, et bĂ©nĂ©ficier ainsi du gĂźte et du couvert de la prison.
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