J'ai aimé
Titre : De neige et de vent
Auteur : Sébastien VIDAL
Parution : 2024 (Le mot et le reste)
2025 (Pocket)
Pages : 248
Présentation de l'éditeur :
À la frontière des Alpes italiennes et françaises, le village de
Tordinona est l’isolement incarné. Voyant la tempête qui se prépare
là-haut, la patrouille de gendarmerie composée de Marcus et Nadia
s’apprête à redescendre dans la vallée quand le garde champêtre découvre
le corps de la fille du maire. Dès le lendemain, alors que le seul pont
reliant Tordinona au reste du monde a été détruit par une avalanche, le
maire et une partie des habitants s’en prennent à un voyageur de
passage qu’ils soupçonnent d’être l’assassin. Attachés à leur devoir,
Nadia et Marcus s’opposent à leur haine et à leur désir de se faire
justice ; dès lors ils s’apprêtent à lutter contre eux. Dans ce huis
clos enserré par la violence des éléments, la tension ne cesse de
monter, et avec elle, une question qui traverse les âges : que
reste-t-il de notre humanité quand il n’y a (presque) plus personne pour
faire respecter la loi ?
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Sébastien Vidal est né à Tulle en 1971. Après 24 années en gendarmerie,
il est revenu en Corrèze et vit désormais à Saint Jal. Aux éditions Le
mot et le reste, il a publié Ça restera comme une lumière et Où reposent nos ombres,
lauréat du Prix du Roman noir 2023 des Bibliothèques et des
Médiathèques de Grand Cognac, du Prix de la Briance 2023, sélectionné
pour le prix Dora Suarez 2023. Son dernirr roman De neige et de vent est lauréat du Prix Landerneau Polar 2024.
Avis :
Ecrivain retraité de la gendarmerie, Sébastien Vidal fait exploser la haine et la violence dans un village de montagne coupé du monde par une tempête : une vision miniature de ce que l’aveuglement et la peur de l’autre pourraient finir par produire à plus grande échelle dans le contexte actuel de radicalisation populiste.
C’est un petit village des Alpes au nom prédestiné, Tordinona, comme la prison papale où l’on enfermait les suspects d’hérésie au temps de l’Inquisition à Rome. Et, à dire vrai, ce lieu perdu et isolé regroupant une poignée de familles accrochées depuis toujours à ce décor immuable a tout de la forteresse inexpugnable, ordinairement repliée sur elle-même dans l’aversion au changement et la détestation de l’étranger, transformée l’hiver en huis clos hermétique quand le vent hurlant et la neige par tombereaux achèvent de blanchir à tous les sens du terme cette zone sans couverture téléphonique.
Lorsque, cette nuit de tempête inaugurant le récit, une avalanche emporte le pont qui constituait le dernier lien avec la civilisation, l’enfermement le plus total referme ses mâchoires sur le village, y bloquant malgré eux deux gendarmes dans leur tournée et un voyageur itinérant n’ayant pour tout bagage que son chien et son teint basané. Alors que sévit la tourmente, le garde-champêtre découvre dans la neige le corps sans vie, porteur de marques de strangulation, de la jeune fille du maire. Aveuglé par la douleur et la fureur, ce dernier n’en a plus aussitôt qu’après l’étranger de passage.
Face à cet homme sanguin à l’autorité d’autant plus incontestée qu’avec son usine d’embouteillage d’eau de source il est le principal employeur au village et qu’il a fait des hommes de la société de chasse qu’il préside une milice à sa solde, les gendarmes et l’homme que tous entendent lyncher n’ont d’autre choix que de se retrancher pour soutenir le siège d’habitants aussi obtus que déchaînés. Au chaos de la tempête s’ajoute celui des hommes, dans un affrontement entre les représentants des règles de droit et les partisans d’une justice privée arbitraire et inepte rappelant les pires moments de l’histoire du Sud américain : une résurgence de violence tout à fait symbolique dans le contexte politique général actuel.
Si l’on pourra trouver le trait un peu forcé et les villageois un rien caricaturaux, c’est que, peu en chaut le réalisme du récit, ce qui compte ici est l’atmosphère d’épouvante et de chaos, le déchaînement des éléments ne soulignant que mieux la férocité démente des hommes quand l’emballement collectif face à la peur les mène aux pires comportements. Mais, tout n’est pas noir et blanc dans cette histoire qui sait trouver aussi quelques pépites d’humanité et de bon sens chez certains personnages, histoire de ne pas plomber totalement la vision de notre futur. (3,5/5)
C’est un petit village des Alpes au nom prédestiné, Tordinona, comme la prison papale où l’on enfermait les suspects d’hérésie au temps de l’Inquisition à Rome. Et, à dire vrai, ce lieu perdu et isolé regroupant une poignée de familles accrochées depuis toujours à ce décor immuable a tout de la forteresse inexpugnable, ordinairement repliée sur elle-même dans l’aversion au changement et la détestation de l’étranger, transformée l’hiver en huis clos hermétique quand le vent hurlant et la neige par tombereaux achèvent de blanchir à tous les sens du terme cette zone sans couverture téléphonique.
Lorsque, cette nuit de tempête inaugurant le récit, une avalanche emporte le pont qui constituait le dernier lien avec la civilisation, l’enfermement le plus total referme ses mâchoires sur le village, y bloquant malgré eux deux gendarmes dans leur tournée et un voyageur itinérant n’ayant pour tout bagage que son chien et son teint basané. Alors que sévit la tourmente, le garde-champêtre découvre dans la neige le corps sans vie, porteur de marques de strangulation, de la jeune fille du maire. Aveuglé par la douleur et la fureur, ce dernier n’en a plus aussitôt qu’après l’étranger de passage.
Face à cet homme sanguin à l’autorité d’autant plus incontestée qu’avec son usine d’embouteillage d’eau de source il est le principal employeur au village et qu’il a fait des hommes de la société de chasse qu’il préside une milice à sa solde, les gendarmes et l’homme que tous entendent lyncher n’ont d’autre choix que de se retrancher pour soutenir le siège d’habitants aussi obtus que déchaînés. Au chaos de la tempête s’ajoute celui des hommes, dans un affrontement entre les représentants des règles de droit et les partisans d’une justice privée arbitraire et inepte rappelant les pires moments de l’histoire du Sud américain : une résurgence de violence tout à fait symbolique dans le contexte politique général actuel.
Si l’on pourra trouver le trait un peu forcé et les villageois un rien caricaturaux, c’est que, peu en chaut le réalisme du récit, ce qui compte ici est l’atmosphère d’épouvante et de chaos, le déchaînement des éléments ne soulignant que mieux la férocité démente des hommes quand l’emballement collectif face à la peur les mène aux pires comportements. Mais, tout n’est pas noir et blanc dans cette histoire qui sait trouver aussi quelques pépites d’humanité et de bon sens chez certains personnages, histoire de ne pas plomber totalement la vision de notre futur. (3,5/5)
Citations :
À Tordinona, on vit entre soi depuis toujours, Internet et la modernité n’ont rien changé à ça. Les mêmes familles depuis le milieu du dix-neuvième siècle, les mêmes lignées ayant engendré les mêmes faces bourrues, les mêmes yeux suspicieux et fureteurs, les mêmes barbes fournies sous des fronts larges et épais, boucliers pour des caboches plus dures que le roc. Ça c’est pour les hommes. À leurs côtés, on a des épouses et des mères dévouées. Pour les femmes libérées, il faudra attendre encore un peu. Ici, on n’aime pas le changement, donc on n’aime pas les étrangers, même les touristes, qu’ils aillent se faire escroquer ailleurs. Ici, on vivote entre têtes connues, on se parle avec des mots familiers, et les allures et les profils, les traits de caractère, sont plus fiables que les cartes de visite et les réputations. Le village se meurt, mais au moins les Tordinonais meurent entre eux.
Pour le reste, on n'a pas de gros besoins, et dans ce monde, si tu veux être libre, le nerf de la guerre, c'est ton train de vie. Moins tu as de besoins, moins tu as besoin d'argent, et donc plus tu as de temps pour vivre vraiment.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire