J'ai beaucoup aimé
Titre : Les voleurs d'ampoules
(Złodzieje żarówek)
Auteur : Tomasz Rozycki
Traduction : Isabelle MACOR
Parution : en polonais en 2023
en français en 2025
(Noir sur Blanc)
Pages : 208
Présentation de l'éditeur :
Habitant au dixième et dernier étage d'une barre d'immeuble,
chef-d'œuvre d'architecture brutaliste à l'époque du communisme tardif,
Tadeusz s'est vu confier par son père une tâche difficile : aller porter
un précieux, un miraculeux paquet de café en grains à M. Stefan, le
seul voisin à posséder encore un de ces vieux moulins à manivelle.
L'expédition n'est pas facile, il faut s'aventurer tout au bout du couloir, qui fait plus de cent mètres et qui est toujours sombre, parce que les locataires ne cessent d'y voler les ampoules.
À la faveur de cette odyssée, Tomasz Różycki nous raconte le quartier de son enfance, avec ses monstres, ses demi-dieux, ses ragots, ses petites affaires et ses exploits de légende. Ithaque ? C'est un appartement de 35 m2 que Tadeusz habite avec ses frères et sœurs et leurs parents.
De même que la mémoire de l'auteur, ce long chemin obscur a tout du labyrinthe. Dans une prose tantôt lyrique, tantôt clinique, avec autant d'humour que de goût pour la rêverie, ce panorama d'une enfance au crépuscule de l'époque communiste est un enchantement.
L'expédition n'est pas facile, il faut s'aventurer tout au bout du couloir, qui fait plus de cent mètres et qui est toujours sombre, parce que les locataires ne cessent d'y voler les ampoules.
À la faveur de cette odyssée, Tomasz Różycki nous raconte le quartier de son enfance, avec ses monstres, ses demi-dieux, ses ragots, ses petites affaires et ses exploits de légende. Ithaque ? C'est un appartement de 35 m2 que Tadeusz habite avec ses frères et sœurs et leurs parents.
De même que la mémoire de l'auteur, ce long chemin obscur a tout du labyrinthe. Dans une prose tantôt lyrique, tantôt clinique, avec autant d'humour que de goût pour la rêverie, ce panorama d'une enfance au crépuscule de l'époque communiste est un enchantement.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Avis :
Le Prix de la revue Le Grand Continent l’ayant choisi en 2023 pour promouvoir sa diffusion en cinq langues européennes, il nous est donné de découvrir en français l’un des derniers ouvrages du poète, essayiste et traducteur polonais Tomasz Rozycki, couronné il y a une vingtaine d’années du prestigieux Prix littéraire de la fondation Kościelski – le « Nobel polonais des écrivains de moins de quarante ans ».
D’inspiration autobiographique, ce roman raconte, au travers de la fantaisie imaginative d’un jeune garçon, la vie dans un immeuble en Pologne à la fin de l’époque communiste. Ce jour-là, l’anniversaire du père coïncide avec une sorte de miracle. Après s’être relayée dès l’aube dans la queue devant l’hypermarché Megasam, la famille a réussi à se procurer ce dont elle avait depuis longtemps oublié le goût : un paquet de café en grains. Chargé de le porter chez M. Stefan, un voisin encore en possession d’un moulin à manivelle, le narrateur Tadeusz doit traverser la centaine de mètres de coursive puante, parcourue de courants d’air et peuplée de diverses bestioles réelles ou imaginaires qui, de buanderies en débarras ayant depuis longtemps perdu leurs ampoules électriques, parcourt sous les toits toute la longueur de leur barre d’immeuble.
Débute une aventure dont chaque pas en début de chapitres se retrouve le prétexte de digressions que le regard innocent mais affûté du garçon permet à l’auteur de charger d’un humour grinçant. Peu à peu se dessine, sur la grisaille d’un quotidien marqué par la pénurie, le mensonge des autorités et la peur de l’arrestation arbitraire, un formidable réseau de solidarité et de débrouillardise. Privés de tout ou presque, ces gens ont malgré tout conservé ce que rien ni personne n’aura pu leur prendre : leur dignité et leur humanité. C’est ainsi que, de longue et aventureuse traversée d’un couloir, le roman se fait métaphore de l’histoire d’un pays, voire même de toutes les populations d’Europe de l’Est.
Malgré ça et là quelques longueurs et imperfections de traduction, une lecture pleine d’humour et de poésie pour une ode à l’enfance, en même temps qu’une évocation sans aigreur ni nostalgie de la Pologne communiste. (3,5/5)
D’inspiration autobiographique, ce roman raconte, au travers de la fantaisie imaginative d’un jeune garçon, la vie dans un immeuble en Pologne à la fin de l’époque communiste. Ce jour-là, l’anniversaire du père coïncide avec une sorte de miracle. Après s’être relayée dès l’aube dans la queue devant l’hypermarché Megasam, la famille a réussi à se procurer ce dont elle avait depuis longtemps oublié le goût : un paquet de café en grains. Chargé de le porter chez M. Stefan, un voisin encore en possession d’un moulin à manivelle, le narrateur Tadeusz doit traverser la centaine de mètres de coursive puante, parcourue de courants d’air et peuplée de diverses bestioles réelles ou imaginaires qui, de buanderies en débarras ayant depuis longtemps perdu leurs ampoules électriques, parcourt sous les toits toute la longueur de leur barre d’immeuble.
Débute une aventure dont chaque pas en début de chapitres se retrouve le prétexte de digressions que le regard innocent mais affûté du garçon permet à l’auteur de charger d’un humour grinçant. Peu à peu se dessine, sur la grisaille d’un quotidien marqué par la pénurie, le mensonge des autorités et la peur de l’arrestation arbitraire, un formidable réseau de solidarité et de débrouillardise. Privés de tout ou presque, ces gens ont malgré tout conservé ce que rien ni personne n’aura pu leur prendre : leur dignité et leur humanité. C’est ainsi que, de longue et aventureuse traversée d’un couloir, le roman se fait métaphore de l’histoire d’un pays, voire même de toutes les populations d’Europe de l’Est.
Malgré ça et là quelques longueurs et imperfections de traduction, une lecture pleine d’humour et de poésie pour une ode à l’enfance, en même temps qu’une évocation sans aigreur ni nostalgie de la Pologne communiste. (3,5/5)
Citations :
(…) elle s’occupait de toutes sortes de papiers de la plus haute importance, dans un grand bâtiment, au département de la mise en application des procédures, où, pour entrer, il fallait d’abord déposer une demande écrite puis essayer d’obtenir la série adéquate de tampons. Et puisque ces tampons reposaient dans son tiroir, elle n’avait pas à craindre un afflux de demandeurs. On ne savait pas exactement ce qu’elle faisait, assise à son bureau avec sa petite pile de papiers, à côté de ses collègues du même genre, occupées aux mêmes tâches – sans doute ne savait-elle pas elle-même précisément en quoi consistait son travail dans l’institution.
De cette époque, je me souviens parfaitement comment un jour d’hiver quelqu’un est mort dans le magasin après plusieurs heures d’attente, debout dans la queue pour l’un des étalages. On avait recouvert le mort de journaux et on l’avait placé sur le parapet dans l’attente des secours, qui étaient arrivés plus d’une heure après et, ayant constaté le décès, avaient disparu. Ensuite, une patrouille de police était venue pour vérifier l’identité du cadavre, puis elle avait surveillé les gens de loin, depuis la voiture garée de l’autre côté de la rue, comme l’a affirmé Stefan – peut-être soixante-dix, bon, tout au plus cent mètres plus loin. Le magasin était chichement éclairé, mais on voyait de loin le cadavre qui gisait depuis longtemps sur le parapet, tout près des vitrines. Et pendant ce temps, à côté, une immense file d’attente de plusieurs centaines de personnes s’avançait sans émotion à un rythme de tortue vers le comptoir où, à l’instant, on venait d’apporter un chargement de beurre et de charcuterie. Tous, se balançant d’un pied sur l’autre, soupiraient quand ils se retrouvaient près du cadavre, ou bien ils l’ignoraient, poursuivant leurs querelles, en s’envoyant : « Monsieur, vous n’étiez pas à cette place », ou bien : « Madame, vous allez où en poussant comme ça ?! » Les employés de la morgue ou d’une entreprise de pompes funèbres étaient arrivés très tard et avaient enfin emporté le défunt, libérant la place sur le parapet où pouvaient désormais s’appuyer les plus âgées des propriétaires de jambes enflées et de varices, fatiguées par une attente de plusieurs heures. Le magasin continuait de fonctionner, la file était là, les gens avaient besoin de beurre et de saucisson. Malgré la distribution des tickets, la marchandise était incroyablement difficile à se procurer, il fallait parfois faire la queue jour et nuit pour obtenir la ration mensuelle prévue pour chaque citoyen. 1 000 grammes de farine, 500 grammes de sucre, 250 grammes de bonbons, 1 000 grammes de céréales, six paquets de cigarettes, 375 grammes de graisse, 100 grammes de lessive, 100 grammes de produits chocolatés, 300 grammes de bœuf/veau avec os, une bouteille d’alcool, du coton et éventuellement du papier toilette en échange de vieux papiers. Le système d’attribution des tickets de rationnement a eu pour conséquence le marché des tickets. Le change ressemblait à ceci : contre trois tickets de cigarettes, on pouvait obtenir une bouteille de vodka, et contre des tickets de sucreries et de tabac, deux bouteilles même. La ration de chaussettes pouvait être échangée contre un ticket de rationnement de bœuf avec os, éventuellement contre deux paquets de café ou deux savons. Parfait, sauf que le café ne faisait son apparition que rarement dans les magasins. Les plus chers étaient les coupons d’essence et les alliances de mariage (les rations de farine et de riz étaient les moins bien cotées). On faisait la queue – principalement pour la viande, qui ne se présentait pas souvent – et ce, dès la nuit noire. Le premier se plaçait dans la file à quatre heures du matin, ensuite arrivait la grand-mère pour la relève, car celui-ci allait au travail, puis les enfants rentraient de l’école et remplaçaient la grand-mère, et au moment culminant apparaissait la mère, venue pour faire les courses au comptoir même. La file de plusieurs heures ondulait le long du bâtiment du Megasam, parfois elle allait plus loin, traversait la pelouse pour atteindre l’arrêt d’autobus proche. Les passagers qui arrivaient en autobus, l’ayant aperçue de loin par les vitres, descendaient fréquemment, alertés, pour s’enquérir de l’arrivage – la vue d’une longue file éveillait l’espoir de quelque chose de particulièrement rare et raffiné, comme par exemple le coton hygiénique ou le papier toilette.
Car en général le lecteur ne voit rien hormis lui-même, ou bien éventuellement le monde représenté et les héros du monde représenté, c’est-à-dire les soi-disant protagonistes. Bah, plus le lecteur se voit lui-même, plus il fait l’éloge du livre : Brillant ! cela parle de la vraie vie ! ou bien : Parfaite construction, ça vous emporte.
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