Coup de coeur đź’“
Titre : Rivage de la colère
Auteur : Caroline LAURENT
Parution : 2020 (Editions Les Escales),
2021 (Pocket)
Pages : 432
Présentation de l'éditeur :
Mars 1967. Marie-Pierre Ladouceur vit Ă Diego
Garcia, aux Chagos, un archipel rattachĂ© Ă l’Ă®le Maurice. Elle qui va
pieds nus, libre et sans entrave, fait la connaissance de Gabriel, un
Mauricien venu seconder l’administrateur colonial. Un homme de la ville.
Une élégance folle.
Quelques mois plus tard, Maurice accède Ă l’indĂ©pendance après cent cinquante-huit ans de domination britannique. Peu Ă peu, le quotidien bascule et la nuit s’avance, jusqu’Ă ce jour oĂą des soldats convoquent les Chagossiens sur la plage. Ils ont une heure pour abandonner leur terre, leurs bĂŞtes, leurs maisons, leurs attaches. Et pour quelle raison ? Pour aller oĂą ?
Après le déchirement viendra la colère, et avec elle la révolte.
BientĂ´t, ce sera l’heure de la justice...
Cet ouvrage a reçu le Prix Maison de la Presse, le Prix du Roman Métis des Lecteurs, le Prix des Lecteurs du Salon du Livre du Mans, le Grand Prix des blogueurs et le Prix Louis Guilloux.
Quelques mois plus tard, Maurice accède Ă l’indĂ©pendance après cent cinquante-huit ans de domination britannique. Peu Ă peu, le quotidien bascule et la nuit s’avance, jusqu’Ă ce jour oĂą des soldats convoquent les Chagossiens sur la plage. Ils ont une heure pour abandonner leur terre, leurs bĂŞtes, leurs maisons, leurs attaches. Et pour quelle raison ? Pour aller oĂą ?
Après le déchirement viendra la colère, et avec elle la révolte.
BientĂ´t, ce sera l’heure de la justice...
Cet ouvrage a reçu le Prix Maison de la Presse, le Prix du Roman Métis des Lecteurs, le Prix des Lecteurs du Salon du Livre du Mans, le Grand Prix des blogueurs et le Prix Louis Guilloux.
Le mot de l'Ă©diteur sur l'auteur :
Caroline Laurent est franco-mauricienne. Après le succès de son livre co-écrit avec Evelyne Pisier, Et soudain, la liberté (Les
Escales, 2017 ; Pocket, 2018 ; Prix Marguerite Duras ; Grand Prix des
Lycéennes de ELLE ; Prix Première Plume), traduit dans de nombreux pays,
elle signe son nouveau roman Rivage de la colère (Prix Maison
de la Presse 2020 ; Prix du Salon du Livre du Mans 2020). En parallèle
de ses fonctions de directrice littéraire chez Stock, Caroline Laurent a
été nommée en octobre 2019 à la commission Vie Littéraire du CNL.
Avis :
En 2018, JosĂ©phin vient assister au jugement de la Cour internationale de Justice Ă La Haye, qui, il l’espère, tranchera enfin en faveur de la cause qu’il a passĂ© toute sa vie Ă dĂ©fendre, en mĂ©moire de sa mère.
En 1967, Marie-Pierre Ladouceur vit Ă Diego Garcia, aux Chagos, archipel de l’OcĂ©an Indien rattachĂ© Ă l’Ă®le Maurice. L’existence y est simple, mais libre et paisible, entre pĂŞche et rĂ©colte du coprah. Lorsque la jeune femme dĂ©couvre l’amour auprès de Gabriel Neymorin, Mauricien venu seconder l’administrateur colonial, elle est loin d’imaginer que son monde est sur le point de s’effondrer. Mettant fin Ă 158 ans de prĂ©sence britannique, l’Ă®le Maurice accède Ă l’indĂ©pendance après avoir cĂ©dĂ© les Chagos aux Anglais, qui, l’archipel devant devenir une base militaire amĂ©ricaine, s’emploient Ă en expulser les habitants. DĂ©portĂ©s sans explication ni prĂ©avis, sans indemnisation d’aucune sorte, les Chagossiens se retrouvent abandonnĂ©s dans les bidonvilles de Maurice…
SensibilisĂ©e au drame des Chagos par sa mère mauricienne, l’auteur s’est inspirĂ©e de ses recherches et de ses rencontres pour crĂ©er les personnages de ce roman soigneusement fidèle aux faits historiques. Alors qu’un demi-siècle après l’arrachement des habitants Ă leur archipel, le Royaume-Uni n’a toujours pas donnĂ© suite Ă l’injonction de l’ONU en 2019 de restituer ce bout de territoire Ă l’Ă®le Maurice, ce livre porte l’espoir de sensibiliser l’opinion publique Ă la cause chagossienne, ultime levier sur la politique britannique.
De fait, Caroline Laurent parvient haut la main Ă Ă©mouvoir le lecteur, stupĂ©fait du sort imposĂ© il y a cinquante ans, dans le plus grand secret et dans le pire mĂ©pris humanitaire, aux 2000 autochtones, et scandalisĂ© qu’aucun des jugements rendus par les plus hautes instances internationales n’ait pu, Ă ce jour, se voir appliquĂ©. Tandis que le rĂ©cit nous fait nous glisser dans la peau des Ă®liens, chassĂ©s de leur terre arbitrairement et manu militari, emmenĂ©s Ă fond de cale après avoir dĂ» tout abandonner en l’espace d’une heure, puis, sans autre forme de procès, laissĂ©s Ă leur misĂ©rable sort une fois dĂ©barquĂ©s sans bagages ni ressources Ă Maurice, comment ne pas partager leur dĂ©sespoir, leur rĂ©volte et leur impuissance quand personne n’a d’abord conscience de leur cauchemar, puis quand aucune justice ne semble jamais pouvoir leur ĂŞtre enfin rendue ?
En 1967, Marie-Pierre Ladouceur vit Ă Diego Garcia, aux Chagos, archipel de l’OcĂ©an Indien rattachĂ© Ă l’Ă®le Maurice. L’existence y est simple, mais libre et paisible, entre pĂŞche et rĂ©colte du coprah. Lorsque la jeune femme dĂ©couvre l’amour auprès de Gabriel Neymorin, Mauricien venu seconder l’administrateur colonial, elle est loin d’imaginer que son monde est sur le point de s’effondrer. Mettant fin Ă 158 ans de prĂ©sence britannique, l’Ă®le Maurice accède Ă l’indĂ©pendance après avoir cĂ©dĂ© les Chagos aux Anglais, qui, l’archipel devant devenir une base militaire amĂ©ricaine, s’emploient Ă en expulser les habitants. DĂ©portĂ©s sans explication ni prĂ©avis, sans indemnisation d’aucune sorte, les Chagossiens se retrouvent abandonnĂ©s dans les bidonvilles de Maurice…
SensibilisĂ©e au drame des Chagos par sa mère mauricienne, l’auteur s’est inspirĂ©e de ses recherches et de ses rencontres pour crĂ©er les personnages de ce roman soigneusement fidèle aux faits historiques. Alors qu’un demi-siècle après l’arrachement des habitants Ă leur archipel, le Royaume-Uni n’a toujours pas donnĂ© suite Ă l’injonction de l’ONU en 2019 de restituer ce bout de territoire Ă l’Ă®le Maurice, ce livre porte l’espoir de sensibiliser l’opinion publique Ă la cause chagossienne, ultime levier sur la politique britannique.
De fait, Caroline Laurent parvient haut la main Ă Ă©mouvoir le lecteur, stupĂ©fait du sort imposĂ© il y a cinquante ans, dans le plus grand secret et dans le pire mĂ©pris humanitaire, aux 2000 autochtones, et scandalisĂ© qu’aucun des jugements rendus par les plus hautes instances internationales n’ait pu, Ă ce jour, se voir appliquĂ©. Tandis que le rĂ©cit nous fait nous glisser dans la peau des Ă®liens, chassĂ©s de leur terre arbitrairement et manu militari, emmenĂ©s Ă fond de cale après avoir dĂ» tout abandonner en l’espace d’une heure, puis, sans autre forme de procès, laissĂ©s Ă leur misĂ©rable sort une fois dĂ©barquĂ©s sans bagages ni ressources Ă Maurice, comment ne pas partager leur dĂ©sespoir, leur rĂ©volte et leur impuissance quand personne n’a d’abord conscience de leur cauchemar, puis quand aucune justice ne semble jamais pouvoir leur ĂŞtre enfin rendue ?
Par la voix de ses touchants personnages, ce captivant roman restitue une part de leur dignitĂ© Ă ces hommes et ces femmes honteusement bafouĂ©s par l’Histoire, et Ă qui le monde contemporain peine tant Ă rendre justice. Coup de coeur. (5/5)
Citations :
Je n’ai pas la foi. Je prĂ©fère parler d’espoir. L’espoir, c’est l’ordinaire tel qu’il devrait toujours ĂŞtre : tournĂ© vers un ailleurs. Pas un but ni un objectif, non, un ailleurs. Un lieu secret dans lequel, enfin, chacun trouverait sa place. Un lieu juste.
Je n’ai jamais Ă©tĂ© un touriste. C’est quoi un touriste ? Un Blanc en bermuda et en tongs qui vient oublier Ă Maurice qu’il gagne de l’argent ?
La justice est la mĂ©chante sĹ“ur de l’espoir. Elle vous fait croire qu’elle vous sauvera, mais de quoi vous sauvera-t-elle puisqu’elle vient toujours après le malheur. Un verdict, ça ne rĂ©pare rien. Ça ne console pas. Parfois tout de mĂŞme, ça purge le cĹ“ur.
Quand les gens devant moi s’Ă©merveillent – Ton courage vraiment, ta force, depuis toutes ces annĂ©es… –, je ne sais que rĂ©pondre. Le courage est l’arme de ceux qui n’ont plus le choix. Nous serons tous, dans nos pauvres existences, courageux Ă un moment ou un autre. Ne soyez pas impatients.
Sauvage. Sagouin. Nègre-bois. Voleur. Crétin. Crevard. Fils de rien.
Chagossien, ça voulait dire tout ça quand j’Ă©tais enfant. Notre accent ? DiffĂ©rent de celui des Mauriciens. Notre peau ? Plus noire que celle des Mauriciens. Notre bourse, vide. Nos maisons, inexistantes.
Méprise-les, oublie-les, me répétait ma mère. Mais comment oublier la honte ?
Je n’ai jamais Ă©tĂ© un touriste. C’est quoi un touriste ? Un Blanc en bermuda et en tongs qui vient oublier Ă Maurice qu’il gagne de l’argent ?
La justice est la mĂ©chante sĹ“ur de l’espoir. Elle vous fait croire qu’elle vous sauvera, mais de quoi vous sauvera-t-elle puisqu’elle vient toujours après le malheur. Un verdict, ça ne rĂ©pare rien. Ça ne console pas. Parfois tout de mĂŞme, ça purge le cĹ“ur.
Quand les gens devant moi s’Ă©merveillent – Ton courage vraiment, ta force, depuis toutes ces annĂ©es… –, je ne sais que rĂ©pondre. Le courage est l’arme de ceux qui n’ont plus le choix. Nous serons tous, dans nos pauvres existences, courageux Ă un moment ou un autre. Ne soyez pas impatients.
Sauvage. Sagouin. Nègre-bois. Voleur. Crétin. Crevard. Fils de rien.
Chagossien, ça voulait dire tout ça quand j’Ă©tais enfant. Notre accent ? DiffĂ©rent de celui des Mauriciens. Notre peau ? Plus noire que celle des Mauriciens. Notre bourse, vide. Nos maisons, inexistantes.
Méprise-les, oublie-les, me répétait ma mère. Mais comment oublier la honte ?
Ça veut dire quoi, l’indĂ©pendance ? Qui est indĂ©pendant ? L’ĂŞtes-vous vous-mĂŞme ?
J’ai longtemps cru en ce rĂŞve. LibertĂ©, autonomie. Applicable aussi bien en politique que dans l’intimitĂ©. Je t’aime, je ne t’aime plus, si je ne t’aime plus je pars, ma vie ouverte aux quatre vents. Je crois que je me trompais. L’indĂ©pendance, je veux dire la pure, la vĂ©ritable, l’absolue, n’existe pas.
On est toujours le colonisĂ© d’un autre.
Ce constat nous oblige.
Les Chagos dĂ©pendaient de Maurice, qui dĂ©pendait du Royaume-Uni, qui dĂ©pendait de l’Europe, qui dĂ©pendait des Nations unies, qui dĂ©pendaient du monde dĂ©mocratique. Qui a entendu parler de nous ? Diego Garcia, Peros Banhos ? Non, connais pas. Qui sait ce que le monde dĂ©mocratique nous a infligĂ© ?
Croyez-moi. Notre sort vous concerne tous, et sans doute bien au-delĂ de ce que vous pourriez imaginer.
Qu’est-ce qui forge une identitĂ© ? Un nom, une profession, la couleur d’un passeport, un certain alignement des planètes ? Ce qui nous fonde, n’est-ce pas simplement l’amour qui a prĂ©sidĂ© Ă notre naissance, ou bien Ă l’inverse, l’absence de tout sentiment ?
Ma mère n’a jamais pris l’avion. Si elle avait pu voler au-dessus des cieux, elle aurait compris qu’il n’y a pas d’autre paradis que celui dont on vous donne le regret. De mĂŞme l’enfance qui nous empĂŞche de devenir grands vient Ă nous manquer le jour oĂą elle s’Ă©loigne. C’est la perte, c’est la douleur qui crĂ©e l’idĂ©al.
Un autre document, signĂ© du 30 dĂ©cembre 1966, rĂ©vĂ©lait un accord secret entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Diego Garcia serait louĂ© aux AmĂ©ricains pour une pĂ©riode de cinquante ans, avec possible reconduction du bail durant vingt ans. Un projet de base navale Ă©tait Ă l’Ă©tude.
Le dernier document Ă©tablissait un calendrier prĂ©visionnel d’Ă©vacuation de l’Ă®le. Les AmĂ©ricains devaient prĂ©senter Ă l’ONU un dossier fourni par les Anglais assurant que le territoire Ă©tait vierge « d’habitants autochtones », afin d’obtenir un accord pour crĂ©er la base militaire. Les Britanniques visaient un plan en trois Ă©tapes. D’abord, encourager les dĂ©parts volontaires, sans prĂ©ciser aux voyageurs que le retour sur l’Ă®le leur serait interdit. Ensuite, pousser les gens Ă partir d’eux-mĂŞmes en stoppant l’acheminement de vivres et de biens via les navires de ravitaillement. Enfin, face Ă d’Ă©ventuels rĂ©calcitrants, ne pas hĂ©siter Ă employer la force.
Le mĂ©tissage, c’est toujours trop ou pas assez. Il n’y a pas d’Ă©quilibre. Pas de recette, pas de dosage. Quoi que vous fassiez, vous serez pris pour celui que vous n’ĂŞtes pas.
J’ai longtemps cru en ce rĂŞve. LibertĂ©, autonomie. Applicable aussi bien en politique que dans l’intimitĂ©. Je t’aime, je ne t’aime plus, si je ne t’aime plus je pars, ma vie ouverte aux quatre vents. Je crois que je me trompais. L’indĂ©pendance, je veux dire la pure, la vĂ©ritable, l’absolue, n’existe pas.
On est toujours le colonisĂ© d’un autre.
Ce constat nous oblige.
Les Chagos dĂ©pendaient de Maurice, qui dĂ©pendait du Royaume-Uni, qui dĂ©pendait de l’Europe, qui dĂ©pendait des Nations unies, qui dĂ©pendaient du monde dĂ©mocratique. Qui a entendu parler de nous ? Diego Garcia, Peros Banhos ? Non, connais pas. Qui sait ce que le monde dĂ©mocratique nous a infligĂ© ?
Croyez-moi. Notre sort vous concerne tous, et sans doute bien au-delĂ de ce que vous pourriez imaginer.
Qu’est-ce qui forge une identitĂ© ? Un nom, une profession, la couleur d’un passeport, un certain alignement des planètes ? Ce qui nous fonde, n’est-ce pas simplement l’amour qui a prĂ©sidĂ© Ă notre naissance, ou bien Ă l’inverse, l’absence de tout sentiment ?
Ma mère n’a jamais pris l’avion. Si elle avait pu voler au-dessus des cieux, elle aurait compris qu’il n’y a pas d’autre paradis que celui dont on vous donne le regret. De mĂŞme l’enfance qui nous empĂŞche de devenir grands vient Ă nous manquer le jour oĂą elle s’Ă©loigne. C’est la perte, c’est la douleur qui crĂ©e l’idĂ©al.
Un autre document, signĂ© du 30 dĂ©cembre 1966, rĂ©vĂ©lait un accord secret entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Diego Garcia serait louĂ© aux AmĂ©ricains pour une pĂ©riode de cinquante ans, avec possible reconduction du bail durant vingt ans. Un projet de base navale Ă©tait Ă l’Ă©tude.
Le dernier document Ă©tablissait un calendrier prĂ©visionnel d’Ă©vacuation de l’Ă®le. Les AmĂ©ricains devaient prĂ©senter Ă l’ONU un dossier fourni par les Anglais assurant que le territoire Ă©tait vierge « d’habitants autochtones », afin d’obtenir un accord pour crĂ©er la base militaire. Les Britanniques visaient un plan en trois Ă©tapes. D’abord, encourager les dĂ©parts volontaires, sans prĂ©ciser aux voyageurs que le retour sur l’Ă®le leur serait interdit. Ensuite, pousser les gens Ă partir d’eux-mĂŞmes en stoppant l’acheminement de vivres et de biens via les navires de ravitaillement. Enfin, face Ă d’Ă©ventuels rĂ©calcitrants, ne pas hĂ©siter Ă employer la force.
Le mĂ©tissage, c’est toujours trop ou pas assez. Il n’y a pas d’Ă©quilibre. Pas de recette, pas de dosage. Quoi que vous fassiez, vous serez pris pour celui que vous n’ĂŞtes pas.
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