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lundi 9 novembre 2020

[Decoin, Julien] Soudain le large

 


 

 

Coup de coeur đź’“

 

Titre : Soudain le large

Auteur : Julien DECOIN

Parution : 2017 chez Seuil

Pages : 256

 

 

 

 

 

 

 

PrĂ©sentation de l'Ă©diteur :  

Cette nuit-là, au milieu du port de Cherbourg, Charles la sauve de la noyade et la hisse à bord, inconsciente. A-t-elle glissé ? A-t-elle sauté ? Quelle est la couleur de ses yeux ?
Catherine se réveille dans ce voilier inconnu et part sans explication. Mais elle reviendra, comme la mer monte et descend. Et Charles, le marin, l'attendra à quai, jusqu'à ce que leur histoire commence, comme dans un roman d'aventure…
 
  

Le mot de l'Ă©diteur sur l'auteur :

Julien Decoin est nĂ© en 1985. Il a prĂ©fĂ©rĂ© rapidement les plateaux de cinĂ©ma Ă  ses Ă©tudes de lettres modernes. Il est assistant rĂ©alisateur depuis 10 ans. Un truc sauvage est son premier roman. 

 

 

Avis :

Lorsqu’il repêche une jeune femme inconnue dans l’eau du port de Cherbourg, puis l’abrite, le temps de s’en remettre, à bord de son voilier à quai, Charles est loin de se douter que ce n’est que la première péripétie d’une longue série qui va sensiblement changer le cours de leur vie…

Ce qui commence doucement comme une romance moderne devient très vite un prenant roman d’aventures aux multiples surprises et rebondissements qui, portĂ© par la contagieuse passion de l’auteur pour la mer et les bateaux, nous emmène dans une quĂŞte d’amour et de libertĂ© au plus près des Ă©lĂ©ments parfois dĂ©chaĂ®nĂ©s. Au dĂ©part de la pointe du Cotentin et de l’île anglo-normande d’Alderney, ces finistères qu’il connaĂ®t si bien et dont il restitue avec force la tumultueuse alliance avec les flots et les tempĂŞtes, Julien Decoin nous lance une invitation Ă  oser prendre le large, au propre comme au figurĂ© : loin d’un long fleuve tranquille, la vie est un ocĂ©an oĂą il faut oser se lancer, en larguant les amarres de nos peurs…

Emportée par le rythme de ses phrases courtes et piquée par les effets de surprise de son intrigue, je n’ai quitté qu’à regret cette jolie fable tendre et poétique, à l’humour délicieusement acidulé, et au charme irrésistiblement attachant. Coup de coeur. (5/5)

 

 

Citations : 

La diffĂ©rence entre le charme et le reste de la beautĂ© : la particularitĂ©.

En mer, le bruit n’existe pas. Les allées et venues des vagues qui caressent le rivage, la plage, les rochers, la côte, c’est bon pour les terriens. En mer, c’est le silence. Presque. L’écoulement, le ruissellement le long de la coque et quelques vagues dont les sommets s’entrechoquent en baisers blancs et bruyants. Écumeux. Les moutons que l’on aperçoit des landes, qui paraissent si violents depuis la terre, si délicats en pleine mer. Deux corps mous qui se rencontrent pour ne plus faire qu’un. Gerbe explosive.

Alderney a été entièrement repeuplée à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, après avoir été vidée par les Allemands, puis réoccupée par des prisonniers de guerre pour constituer le seul camp de concentration en terre anglaise. Plus proche et plus pratique que la Pologne pour les juifs de Normandie et de Bretagne. Funeste et sordide Alcatraz européen. Impossible de s’échapper. Pas besoin de requins, de miradors, d’eau gelée. Le raz Blanchard est là, gardien malgré lui et complice de l’horreur. Plus personne, depuis, n’a d’attache historique dans l’île. Nul ne peut prétendre que cette pierre ou ce chemin est à lui. Alderney appartient à la reine, et à tout le monde.

Les nuages ont toujours aimé les îles. Catherine le sait bien, de la France les Anglo-Normandes ont chacune un chapeau qui mime à la perfection leurs lignes, courbes et reliefs. Si bien qu’elles se reflètent une fois dans la mer, une fois dans le ciel et qu’on peut, parfois, ne plus savoir laquelle est le reflet de l’autre. Un jeu des éléments, quelque chose qui les a toujours rendues un peu plus inaccessibles.

Dehors, le ballet a commencĂ©. D’abord un grand coup de vent qui claque les branches contre les volets puis les volets contre les fenĂŞtres et les fenĂŞtres contre les habitants qui osent regarder. Catherine voit s’envoler papiers, fleurs, insectes, grains de sable, tournoyer en suspens jusqu’à Guernsey, Jersey et puis la France, dans ce vent de retour de transatlantique, affamĂ©, Ă©puisĂ©, trempĂ©, prĂŞt Ă  en dĂ©coudre. On a Ă©coutĂ© une dernière fois les oiseaux, une ultime alerte et un grand silence, avant d’entendre le souffle jubiler, s’engouffrer dans les ruelles de St Anne et ternir les façades colorĂ©es devenues grisâtres sous son filtre terreux. Tout emporter sur son passage.

Au bout de la jetĂ©e, sur le Fort Raz, c’est apocalyptique. Minuscule petite forteresse, ridiculement fragile au milieu de cette Manche dĂ©chaĂ®nĂ©e qui joue aux cinquantièmes hurlants. Le cadavre d’une mouche dans les pattes d’un chat.  Le raz d’Alderney et le raz Blanchard ont recouvert les eaux noires d’un linceul blanc qui doit s’étaler jusqu’en France. Vent contre courant, s’envolent dans le ciel des milliers de plumes Ă©cumeuses qui s’illuminent dans la nuit noire.
 
  

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