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jeudi 25 avril 2019

[Ward, Jesmyn] Le chant des revenants





Coup de coeur đź’“

 

Titre : Le chant des revenants
           (Sing, Unburied, Sing)

Auteur : Jesmyn WARD

Traducteur : Charles RECOURSE

Parution : 2017 en américain chez Scribner,
                2019 en français chez Belfond

Pages : 269






 

 

PrĂ©sentation de l'Ă©diteur :   

Seule femme à avoir reçu deux fois le National Book Award, Jesmyn Ward nous livre un roman puissant, hanté, d’une déchirante beauté, un road trip à travers un Sud dévasté, un chant à trois voix pour raconter l’Amérique noire, en butte au racisme le plus primaire, aux injustices, à la misère, mais aussi l’amour inconditionnel, la tendresse et la force puisée dans les racines.
Jojo n’a que treize ans mais c’est dĂ©jĂ  l’homme de la maison. Son grand-père lui a tout appris : nourrir les animaux de la ferme, s’occuper de sa grand-mère malade, Ă©couter les histoires, veiller sur sa petite sĹ“ur Kayla.
De son autre famille, Jojo ne sait pas grand-chose. Ces blancs n’ont jamais accepté que leur fils fasse des enfants à une noire. Quant à son père, Michael, Jojo le connaît peu, d’autant qu’il purge une peine au pénitencier d’État.
Et puis il y a Leonie, sa mère. Qui n’avait que dix-sept ans quand elle est tombée enceinte de lui. Qui aimerait être une meilleure mère mais qui cherche l’apaisement dans le crack, peut-être pour retrouver son frère, tué alors qu’il n’était qu’adolescent.
Leonie qui vient d’apprendre que Michael va sortir de prison et qui décide d’embarquer les enfants en voiture pour un voyage plein de dangers, de fantômes mais aussi de promesses…

 

 

Le mot de l'Ă©diteur sur l'auteur :

Jesmyn Ward est nĂ©e en 1977 Ă  DeLisle, dans l’État du Mississippi. Issue d’une famille nombreuse, elle est la première Ă  bĂ©nĂ©ficier d’une bourse pour l’universitĂ©. 
Son premier roman, Ligne de fracture, a Ă©tĂ© saluĂ© par la critique. Mais c’est avec Bois Sauvage qu’elle va connaĂ®tre une renommĂ©e internationale, en remportant le National Book Award.  Son mĂ©moire, Les Moissons funèbres, s’est vu rĂ©compensĂ© du MacArthur Genius Grant. 
Avec Le Chant des revenants, sélectionné parmi les dix meilleurs romans de l’année 2017 par le New York Times, Jesmyn Ward devient la première femme deux fois lauréate du National Book Award.
Jesmyn Ward vit dans le Mississippi, avec son Ă©poux et leurs deux enfants.

 

 

Avis :

Dans une campagne pauvre du Sud des Etats-Unis, Jojo, enfant métis de douze ans, dont le père est en prison et la mère démissionnaire et toxicomane, est élevé par ses grands-parents noirs – les blancs ont violemment rejeté l’union de ses parents et la naissance de leurs petits-enfants.

Jojo, mĂ»ri plus vite que son âge, a farouchement pris sa petite sĹ“ur sous son aile. Il lui en faut du courage pour contrer les dĂ©faillances de ses parents, mais aussi pour affronter les fantĂ´mes du passĂ© qui hantent les membres de sa famille : ainsi celui de son oncle, abattu lors d’un assassinat raciste dĂ©guisĂ© en accident de chasse. Et aussi celui de Richie, un jeune compagnon de captivitĂ© de son grand-père dont il va peu Ă  peu dĂ©couvrir la dramatique histoire. Car son grand-père, lui aussi, a Ă©tĂ© emprisonnĂ© : arrĂŞtĂ© arbitrairement en 1948, il s’est retrouvĂ© au pĂ©nitencier agricole de Parchman, dans le Mississippi, connu pour avoir fait perdurer des pratiques esclavagistes jusque dans les annĂ©es soixante-dix.

C’est une vĂ©ritable sauvagerie raciste qui se dĂ©voile peu Ă  peu au travers des pages : des noirs lynchĂ©s ou abattus sans raison et en toute impunitĂ©, un système judiciaire et pĂ©nitentiaire aux pratiques inconcevables, et des comportements violents qui perdurent encore aujourd’hui jusqu’au coeur des familles.

La chaleur moite du Mississippi a tĂ´t fait de vous envelopper et de vous entraĂ®ner dans une atmosphère mĂŞlĂ©e de croyances et de superstitions oĂą les esprits des morts ne quittent pas les vivants, surtout lorsque leur destin s’est avĂ©rĂ© tragique. Tendresse et dignitĂ©, violence et impuissance se mĂŞlent en un rĂ©cit Ă©mouvant et rĂ©voltant, dont certains passages sont Ă  glacer le sang : un chant de souffrance, mais aussi d’espoir, espoir qu’un jour les esprits torturĂ©s finiront par trouver le repos, leur histoire entendue, reconnue, pour enfin permettre la reconstruction des vivants. Coup de coeur.

 

 

Citations :

Quelques jours plus tard, j'ai compris ce qu'il essayait de dire, que devenir adulte, ça signifie apprendre Ă  naviguer dans ce courant : apprendre quand se cramponner, quand jeter l'ancre, quand se laisser porter.  

À l’Oya du vent, des éclairs, des orages. Renverse nos esprits. Que tes tempêtes lavent le monde, le détruisent, et qu’il renaisse des vents de tes jupes. Et quand je lui ai demandé ce que ça voulait dire, elle a répondu, c’est pas bon d’utiliser la colère pour détruire. On prie pour que la colère se change en tempête qui fera jaillir la vérité.

 

 

Le coin des curieux :

Au dĂ©but du 20e siècle, des lois ciblant spĂ©cifiquement les Noirs remplissent les prisons amĂ©ricaines majoritairement d’Afro-AmĂ©ricains. Certains politiciens dĂ©cident d’exploiter cette main d’oeuvre captive en la louant Ă  des sociĂ©tĂ©s en charge de grands travaux, comme la construction de chemins de fer. Le gouverneur du Mississippi James Vardeman a l’idĂ©e d’une plantation pĂ©nitentiaire : construite en 1901, la prison de Parchman Farm fonctionne comme au temps de l’esclavagisme. Y ont cours sĂ©grĂ©gation, insalubritĂ©, surpopulation, coups de fouet et autres sĂ©vices corporels. Certains dĂ©tenus sont choisis pour servir de gardiens. DotĂ©s d’une arme, d’un cheval et de chiens, ils ont le droit d’abattre tout prisonnier qui semble avoir l’intention de fuir. Meurtres et viols y sont monnaie courante. L’arbitraire y est roi. 

C’est dans les annĂ©es soixante, lorsque les Freedom Riders, groupes de militants pour les droits des Noirs, se rendent Ă  Parchman, que les media font dĂ©couvrir Ă  l’ensemble des Etats-Unis la situation abominable qui règne dans l’établissement. L’avocat Roy Haber, atterrĂ© par des tĂ©moignages accablants et par ses propres constatations, a alors un rĂ´le dĂ©terminant : il entame des dĂ©marches judiciaires et remporte le procès d’un prisonnier contre un gardien. La cause des dĂ©tenus de Parchman est dĂ©sormais cĂ©lèbre. Le système d’un autre âge de Parchman est abandonnĂ© en 1972. Le jugement impacte aussi d’autres Ă©tablissements amĂ©ricains mais le changement va ĂŞtre très long Ă  mettre en place.

 

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